Après 4 jours de négociations, les 27 sont finalement tombés d’accord sur un plan de relance à 750 milliards, dont 390 de subventions. C’est un soulagement et un tournant historique pour l’Europe : l’Union européenne s’endette en commun pour apporter une réponse solidaire à la crise de la Covid-19. Cet accord vient confirmer que l’Europe n’est pas une simple union de libre-échange ; c’est aussi une alliance régionale qui peut se montrer solidaire en période de crise.
Le couple franco-allemand en perte d’influence
Ce sommet marque également un tournant dans l’équilibre des forces européennes. D’habitude, l’accord entre la France et l’Allemagne suffit à embarquer les autres. Dans ce sommet, l’accord préalable du couple franco-allemand convenu mi-Avril n’a pas convaincu ; il a peut-être même suscité son propre rejet. Résultat : les pays « frugaux » (Autriche, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Suède) et les pays « autoritaires » (Hongrie, Pologne) ont été au cœur des négociations. Il n’est plus question d’avoir des pays « premiers de cordées » ; tous sont à la table des négociations et à la même hauteur, qu’ils soient paradis fiscaux ou répressifs envers les minorités.
Le vote par consensus freine l’ambition européenne… Notamment sur le développement rural !
L’ambition de ce plan est à l’image de la mollesse et de la prudence maladive du Conseil européen, défauts inhérents à tous processus de décision par consensus. Les 750 milliards d’euros du Conseil sont très loin des 2000 milliards d’euros proposés dans la résolution adoptée très largement au Parlement européen. C’est aujourd’hui une évidence : le processus de décision du Conseil, parce qu’il accorde un véto à tous, freine l’Europe dans son envie de construire dans la solidarité. Comment le Conseil va-t-il répondre aux défis du XXIème siècle si tous les choix politiques forts sont empêchés par la règle du consensus ?
Ce processus de décision porte en réalité très mal son nom : ce n’est pas de consensus dont il est question, mais de marchandage. Cet accord a été trouvé au prix de concessions impardonnables. Le second pilier de la PAC, consacré au développement rural a été amputé de la moitié de son budget de relance, portant le total à 7,5 milliards d’euros. Le plan de relance et le nouveau budget de l’Union passe ainsi à côtés des défis du XXIème siècle : dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, gestion durable des ressources naturelles, développement durable de l’emploi, santé, consolidation de la démocratie européenne et protection des droits et libertés des citoyens.
Alors qu’il nous faut plus d’Europe pour protéger les citoyens de la maladie, de la pauvreté et du chômage, et qu’il est urgent de trouver des solutions au dérèglement climatique, à l’épuisement des ressources naturelles et à l’effondrement de la biodiversité, le Conseil vote un plan et un budget dont on peine à lire la cohérence et les réelles ambitions. Quand allons-nous enfin arrêter de faire de belles déclarations d’intention pour masquer la faiblesse des mesures réellement mises en œuvre ?
Le plan de relance et le nouveau budget seront-ils suffisants pour continuer le projet européen ?
Et enfin, une question demeure : ces 750 milliards seront-ils suffisants pour éviter que les Etats européens, dont les difficultés financières ont été lourdement aggravées par la crise sanitaire, ne tombent les uns après les autres ? En cas d’échec, cet argent n’aura servi qu’à repousser de quelques mois la claque économique, sans permettre de préserver l’unité européenne et ses capacités à continuer sa construction.
Aller dans le mur ou construire l’élan, les 27 n’ont pas choisi. Si l’heure est au soulagement, il est certain qu’elle n’est pas à l’enthousiasme. Peuples européens, élus européens, cet accord peut être la première pierre d’une nouvelle ère pour l’Union européenne. Ensemble, saisissions cette opportunité de renforcer l’Europe pour qu’elle puisse réellement relever les défis sociaux, environnementaux, climatiques et démocratiques !