La semaine dernière, mon collègue Claude Gruffat et moi-même avons écrit au Ministre de l’Agriculture Didier Guillaume pour l’enjoindre de soutenir nos propositions auprès du Commissaire européen à l’Agriculture. Voici son contenu :
Le Gua, le 2 avril 2020
Monsieur le Ministre,
La pandémie du coronavirus qui frappe aujourd’hui les différents pays du monde et de l’Union européenne nous oblige à nous adapter à des conditions difficiles et à des conséquences sanitaires, sociales, économiques et politiques, que personne n’est en mesure de mesurer ni même d’imaginer.
Le Parlement européen a réduit au minimum le travail de la Commission de l’Agriculture et des autres Commissions. Seuls un nombre restreint de dossiers urgents sont votés lors des sessions plénières exceptionnelles qui désormais se tiennent à Bruxelles. De même en France, le débat national organisé par la Commission Nationale du Débat Public est repoussé aux lendemains de la crise. Toutefois, nous tenons dès à présent, en tant que députés européens, à vous faire part des préoccupations suivantes, et sommes à disposition pour les discuter avec vous.
Les marchés agricoles sont durablement désorganisés. Les prix dans les filières exportatrices, comme la viande et le lait vont très probablement connaitre une baisse dramatique pour les producteurs, déjà contraints de réduire leurs volumes. C’est pourquoi nous soutenons votre demande faite à la Commission européenne d’utiliser tous les moyens prévus par l’Organisation Commune des Marchés de la Politique Agricole Commune (PAC) pour venir en soutien aux paysans. C’est un préalable indispensable à court-terme.
Une fois cela dit, la proposition de réforme de la PAC présentée par le Commissaire Phil Hogan en juin 2018 apparaît dramatiquement inadaptée aux enjeux actuels. Au-delà des polémiques partisanes, force est de constater qu’elle ne permet pas de mettre en œuvre des mesures adaptées pour accroître la résilience de la chaine alimentaire, rendue d’autant plus nécessaire par cette crise, ni pour lutter contre le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité. Deux facteurs qui contribuent d’ailleurs à la multiplication des explosions virales.
La question du bien-être animal ne manquera pas de prendre plus de place encore dans le débat agricole. Le lien entre risque viral, élevage intensif, et transport longue distance des animaux inquiétera bien davantage les consommateurs demain. C’est pourquoi la résilience du modèle européen d’agriculture, l’autonomie alimentaire des territoires et la confiance des consommateurs doivent être centraux dans la future PAC.
Nous ne pouvons plus nous autoriser le moindre tabou. S’en tenir à la réforme actuelle de la PAC serait faire fi de la crise et ses enseignements possibles. Afin que la Commission européenne puisse prendre en compte ces nouveaux éléments et offrir une visibilité aux paysans de l’Union européenne, nous vous demandons donc de soutenir auprès de vos collègues la mise en place d’une période de transition d’au moins deux ans. Pour qu’il y ait un avant et un après « coronavirus », tout peut et doit être mis sur la table. Les événements nous l’imposent.
L’Union européenne doit se doter rapidement d’un budget à la hauteur des nouveaux enjeux. La solidarité européenne ne sera possible qu’en augmentant significativement le budget commun en allant au-delà de ce qui est proposé par la Commission européenne. Les nouvelles politiques qui devront être développées au niveau communautaire ne peuvent se réaliser aux dépends de l’agriculture et du monde rural qui assurent l’alimentation de 450 millions de citoyennes et de citoyens européen. Nous avons besoin plus que jamais de garantir la souveraineté alimentaire en Europe.
En annonçant la mobilisation de 750 milliards d’euros pour sauver l’économie européenne, la Banque centrale Européenne a su montrer de l’ambition pour répondre à l’urgence. Faisons un exemple de cette capacité à tout bousculer et espérons que demain, nous serons capables, ensemble, d’en faire autant pour réussir à changer de modèle agricole.
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre très haute considération.
Benoît Biteau & Claude Gruffat
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