Billet d’humeur – Retour sur mon intervention de ce matin en Commission « Agriculture »
Alors que la Stratégie de la Ferme à la Fourchette a le mérite de tenter d’associer agriculture et alimentation, d’amorcer l’ébauche d’un débat de société sur ces deux enjeux stratégiques pour l’Union Européenne, et de convoquer une approche globale, même si le niveau d’ambition est bien en-deçà des urgences sur le climat, la biodiversité et la santé, les débats autour de cette stratégie virent rapidement et presqu’exclusivement aux considérations de préservation des pratiques agricoles de l’ancien monde, témoignant ainsi du poids du corporatisme agricole dans les positions de la majorité des membres de la commission « Agriculture ».
Et les vieux poncifs reviennent au galop pour chercher à déstabiliser les maigres avancées de cette stratégie.
L’impossible accessibilité aux produits bios de qualité pour les foyers les plus modestes, convaincus que ces produits ne s’adressent qu’au plus nantis. Mais alors à quoi devrait servir une réforme de la Politique Agricole Commune, et d’ailleurs de l’ensemble des politiques publiques curatives dédiées à la réparation des dégâts du modèle agricole dominant aujourd’hui lourdement perfusé par cette même PAC, si justement le redéploiement des enveloppes publiques ne permet pas à tous l’accès à des produits irréprochables ? Tout en préservant le revenu des agriculteurs ?
D’autres, et souvent les mêmes d’ailleurs, pensent que la réduction de l’usage des pesticides et des engrais de synthèse, pourtant bien trop modeste dans cette stratégie, passe par la découverte de nouvelles molécules et/ou de nouveaux OGMs, par la numérisation de l’agriculture l’éloignant toujours plus de réponses basées sur l’autonomie et la nature, alors que la solution efficace pour se débarrasser définitivement de ces fuites en avant, tout en garantissant la nécessaire souveraineté alimentaire, est connue, démontrée et repose sur l’agro-écologie. Celle qui permet productivité, souveraineté alimentaire, revenu décent des producteurs tout en respectant et préservant le climat, la biodiversité, la santé parce qu’elle ne pollue pas l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons et la nourriture que nous mangeons.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation absurde : l’Union européenne, via la Politique Agricole Commune, subventionne une agriculture chimique qui génère des externalités négatives extrêmement coûteuses sur le plan économique (dépollution des eaux, dépenses de santé publique liées aux maladies induites par les pollutions de l’air, nettoyage des plages pleines d’algues etc.), injustes sur le plan social (c’est bien ce système qui induit que 20% des agriculteurs en France ont déclaré un revenu nul ou déficitaire en 2017 !), et très dangereuses quand à la lutte contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Pourquoi ne pas appliquer le principe du pollueur-payeur, outil central de plusieurs directives cadres européennes (eau, nitrates, etc.) qui démontrerait de façon probante que les produits pas chers, sont en réalité hors de prix ?
Aussi nous devons cesser d’opposer écologie et économie et utiliser la Politique Agricole Commune, dernière politique intégrée de l’Union Européenne représentant 38% de son budget, et la stratégie de la Ferme à la Fourchette pour enfin faire converger les réponses à ces objectifs que l’urgence sur ces enjeux impose aux décideurs. Et contrairement aux certitudes de la COPA-COGECA qui semble dicter ses éléments de langage à cette commission, c’est quand nous sommes dans le rouge que nous devons faire plus vert pour sortir rapidement du rouge tant sur le plan économique, sur le plan social, que sur le plan écologique et climatique.
Voici le texte de mon intervention :
Vous expliquez que la réforme de la PAC permettra d’atteindre les objectifs fixés dans le #GreenDeal. Vous ne m’avez pas convaincu. La réforme proposée par Phil Hogan ne remet pas en cause le versement d’aides directes proportionnelles à la taille des exploitations.
Avec le #GreenDeal ne serait-il pas enfin temps de revoir ce mode de calcul ? On ne compte plus les études qui montrent son impact négatif. En témoigne le récent rapport des auditeurs européens. Qui peut encore croire qu’il ne nuit pas à la nécessaire transition de nos systèmes agricoles ?
Pour la Commission la réussite de la Stratégie de la Fourche à la Fourchette passe par la mise en œuvre d’une douzaine de Directives européennes dont la Directive Nitrate. Cette réglementation, mise en place il y a 30 ans, n’a toujours pas réglé les pollutions générées par exemple par les élevages industriels de porcs.
Quelles mesures concrètes la Commission européenne va-t-elle prendre pour que les états membres respectent les lois votées par ce parlement ? Quels moyens trouvera-t-elle pour faire enfin respecter les directives dont dépend le succès de son #GreenDeal ?