Analyse de la proposition de règlement établissant un cadre de certification de l’Union relatif aux absorptions de carbone
Quel statut pour les unités d’absorption de carbone ?
Quels points de vigilance pour le bail rural ?
Auteurs de l’étude :
Frédéric Danos, Professeur de droit, Université de Tours, IRJII
Carole Hermon, Professeure de droit, Université Toulouse Capitole, IEJUC
Didier Krajeski, Professeur de droit, Université Toulouse Capitole, IEJUC
Julien Laurent, Professeur de droit, Université Toulouse Capitole, IEJUC
Clément Mimran, Etudiant doctorant en droit, Université Toulouse Capitole, IEJUC
Direction de l’étude :
Carole Hermon, Professeure de droit, Université Toulouse Capitole, IEJUC
Quelques éléments de contexte
La proposition de règlement établissant un cadre de certification de l’Union relatif aux absorptions de carbone datée du 30 novembre 2022 s’inscrit dans le cadre des engagements de l’Union européenne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre pour atteindre in fine, en 2050, la neutralité carbone. Ceci suppose que les capacités d’absorption et de stockage du carbone, notamment dans les sols agricoles, soient renforcées. D’ores et déjà, un premier règlement du 30 mai 2018 engageait les Etats membres à établir des inventaires des émissions et absorptions liées à l’utilisation des terres agricoles (et forestières) et à leur changement d’affectation (UTCATF). Au surplus les Etats devaient veiller à ce que « le secteur UTCATF dans son ensemble ne produise pas d’émissions nettes et contribue à atteindre l’objectif consistant à renforcer les puits à long terme » (cons. 11). Cet objectif a été considérablement renforcé par la récente modification du règlement
de 2018. Aux termes du nouveau règlement 2023/839 du 19 avril 2023, l’absorption nette du carbone par les terres et les forêts doit être portée à 310 millions de tonnes eq. CO2 de 2026 à 2030 à l’échelle de l’UE (cons. 8, art 4.2), cet objectif devant être réparti entre les Etats membres (cons. 8 et 9, art. 4)4, puis au-delà, à partir de 2036, devra permettre d’« équilibrer les émissions restantes dans d’autres secteurs ».
C’est dans ce cadre que trouvent place les activités du carbon farming ; selon la Communication de la Commission sur « les cycles du carbone durables » (Sustainable Carbon Cycles), « les initiatives d’agriculture durable devraient contribuer à augmenter de 42 millions de tonnes équivalent CO2 le puits nécessaire pour atteindre l’objectif de 310 millions de tonnes équivalent CO2 d’ici à 2030 ». Aussi, aux termes du considérant 10 de la proposition de règlement établissant un cadre de certification de l’Union relatif aux absorptions de carbone, « pour améliorer les absorptions de gaz à effet de serre, il convient d’inciter directement chaque agriculteur … à emmagasiner davantage de carbone dans ses terres …. Le déploiement de nouveaux modèles commerciaux fondés sur des incitations au stockage du carbone dans les terres agricoles et sur la certification des absorptions de carbone doit s’intensifier d’ici à 2030 ».
En effet, selon la Commission européenne, le stockage du carbone ne pourra se développer à la hauteur de ce qui est attendu sans processus de normalisation et de certification harmonisé à l’échelle européenne. Le marché volontaire de la compensation du carbone a conduit au développement d’initiatives multiples ouvrant la voie au financement de projets de séquestration de carbone ou de limitation des émissions de carbone selon des méthodologies et règles de comptabilisation des émissions de carbone évitées ou du carbone stocké variables et pour lesquelles la rigueur de l’évaluation des projets et de leur suivi n’est pas toujours acquise. La normalisation et la certification européennes doivent garantir une comptabilité du carbone fiable et harmonisée.
La proposition laisse toutefois en suspens des questions majeures parmi lesquelles le statut juridique des unités d’absorption de carbone instituées et, pour la France, si les projets certifiés venaient à se développer, l’impact de ces activités de stockage de carbone sur les baux ruraux.
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