Les négociations pour réviser la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union européenne arrivent à leur terme et le pessimisme l’emporte. Nous avions besoin d’une refonte totale de nos politiques agricoles, alimentaires et commerciales. Le Conseil et le Parlement européen finissent de se mettre d’accord pour un simple repoudrage.
En l’état, la réforme est un échec total, que ce soit sur les questions de revenus, d’environnement ou de commerce. L’Union européenne ne parvient pas à proposer une réforme à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face.
Les mesures proposées contre le dérèglement climatique ou la chute vertigineuse de la biodiversité sauvage ou cultivée n’auront aucun impact. Pire, certaines dispositions comme la « rotation des cultures », pourtant acceptées dans la précédente PAC, pourraient être vidées de leur sens !
L’accent n’a pas été porté sur le développement de l’agriculture biologique et de l’agroforesterie qui est la seule réponse adéquate. Au niveau social, les mesurettes proposées ne garantiront pas un revenu décent aux paysannes et aux paysans. Plus inquiétant encore, elles ne permettront pas de maintenir de nombreuses fermes dans les régions et ce ne sont pas les sommes mobilisées qui faciliteront l’arrivée de jeunes dans ce secteur qui a besoin d’imagination et de créativité pour remettre en cause les vieilles habitudes. Un seul point est encore en débat : allons-nous réussir à obtenir un plafonnement et une dégressivité des aides pour éviter que les enveloppes soient siphonnées par les énormes conglomérats d’exploitations d’Europe qui s’affranchissent par ailleurs de tout respect de l’Etat de droit, du droit du travail ou du droit européen en matière d’environnement ?
Chaque été, les sécheresses succèdent aux sécheresses, plus précoces dans l’année, plus sévères dans les déficits hydriques. Le manque d’eau est là. Le réchauffement climatique n’est pas une question à repousser à demain, tant il a déjà un impact bien réel sur des centaines de milliers de paysannes et de paysans. Les tensions montent dans nos territoires entre les irrigants et les autres, entre ceux qui ont fait main basse sur les réserves et qui s’arque-boutent sur ce qu’ils ont accaparé, et ceux qui exigent un partage équitable. Cette question de l’eau est ignorée. Silence total. Impossible d’être plus éloigné des réalités que vivent avec inquiétude les agriculteurs, mais également les milliers d’élus locaux qui alertent sur ce sujet.
La PAC aurait pu lancer un mouvement de remise en cause des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce qui datent de 1993, avant que la question du climat ne soit au centre des débats. Le Parlement européen demandait, à juste titre, que des règles strictes soient imposées sur les importations de produits agricoles et alimentaires, afin qu’elles soient produites en respectant des normes aussi strictes sur l’environnement, l’emploi, les pesticides que celles que nous avons en Europe. Cette exigence a été balayée par le Conseil et la Commission européenne. Je déplore ce manque d’ambition internationale qui nous éloigne encore un peu plus d’une souveraineté alimentaire, et nous laisse aussi dépendants des importations de protéines en provenance d’Amérique du Sud. L’Europe avec cette PAC continuera à détruire la forêt amazonienne.
Cette réforme n’a pas été capable de renforcer une vision européenne du futur de notre agriculture. Des Plans Stratégiques Nationaux (PSN) sont en préparation dans les capitales ou chaque ministre fait de tristes contorsions pour alléger au maximum les mesures pour le climat ou l’environnement. En France, Julien Denormandie a déjà annoncé que plus de sept paysans sur dix sont déjà dans les clous et qu’ils ne devront rien changer à leurs pratiques. Quel immobilisme, quel manque de courage politique !
Mais les principaux responsables de ce désastre sont les chefs d’Etat et de gouvernements, d’Angela Merkel à Pedro Sanchez, de Vitkor Orban à Emmanuel Macron, qui se focalisent sur la préservation des avantages acquis. Le Président de la République française en particulier a été incapable de créer une majorité remettant en cause la réforme de la PAC en conformité avec les Accords de Paris sur le Climat.
Les possibilités d’assister à un rejet de cette réforme par le Parlement européen sont minimes. Mais nous mettrons toute l’énergie du groupe des Verts pour renverser la table au moment du vote en seconde lecture. Notre objectif est toujours de contraindre la Commission européenne à revoir sa réforme dont nous dénonçons l’absence d’ambition depuis maintenant trois ans. Le vote pour un rejet de la PAC est plus nécessaire que jamais.